Le mythe du bonheur
égalitaire-obligatoire ne fait qu’engendrer des espoirs déçus et une
insatisfaction collective qui n’ont d’autre choix que de s’inscrire encore plus
dans une dépendance consumériste, dans une fuite en avant, un plus de la même
chose décrit par l’école de Palo Alto. Cette fuite en avant est comique, car un
besoin satisfait en chasse un autre qui revient inexorablement. Mais cette
quête inassouvie est aussi tragique dans la mesure où le problème est récurrent
et interactionnel : on tourne en rond, essayant la même stratégie encore et
encore ; on a choisi une solution qui ne marche pas. Malgré cela, l’homo
œconomicus continue à l’appliquer. Quelque chose maintient le problème et ce
quelque chose est habituellement une « tentative de solution » qui se répète
inlassablement, « vers plus de la même chose ! ».
L’homo œconomicus n’est ni stupide, ni
méchant, ni malade. Il est juste aveuglé par son histoire et par sa foi en
l’innovation technologique.
L’homo œconomicus n’est ni stupide, ni méchant, ni malade. Il est juste réifié, aliéné à des systèmes économiques et sociaux qui deviennent des fins en soi.
Le transhumanisme en
est un exemple flagrant. Ce mouvement intellectuel et culturel estime que le
handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort sont des
aspects inutiles et indésirables de notre condition humaine ; il prône
donc l’usage des sciences, des biotechnologies et des techniques émergentes,
pour améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains.
Des entreprises se sont déjà mises au travail, en Chine, en Corée et aux USA,
en pariant qu’il y aura toujours une demande et une clientèle fortunée pour
acheter leurs produits. Tout récemment, le géant Google s’est lancé dans cette
course à l’innovation en devenant le leader mondial de la robotique. En 18
mois, il a acquis les huit principales entités mondiales dans ce domaine et
nommé Ray Kurzweil, un inventeur génial dans le domaine de l’intelligence
artificiel, comme directeur de son projet. Google a pour objectif de réaliser
la fusion entre l’intelligence artificielle et l’intelligence biologique par la
création d’êtres hybrides à la fois homme et machine. Pourra-t-on un jour
transférer l’esprit humain dans des circuits intégrés ? De telles
approches vont engendrer des problèmes éthiques considérables tout
particulièrement dans la manière de traiter équitablement les humains améliorés
et les autres. Où va-t-on situer la frontière entre la clause du besoin et
celle de la nécessité ? Nos démocraties auront grand besoin de repères et
de valeurs pour canaliser la soif de profits des entreprises privées et faire
respecter les droits universels.
L’homo œconomicus n’est ni stupide, ni méchant, ni malade. Il est juste sous l'emprise des forces et des faiblesses de son cerveau. Ainsi par exemple, les biais cognitifs suivants fonctionnent comme des barrières mentales:
notre perception du risque reste sous la houlette de notre cerveau émotionnel
qui privilégie la proximité et l'expérience personnelle; nous avons tendance à
estimer que nous courons moins de risques que d'autres, de faire dans
l'optimisme comparatif, et dans le déni qui veut occulter la différence entre
ce qu'il faudrait faire ou être et la réalité.
L’homo œconomicus n’est ni stupide, ni méchant, ni malade. Il est juste sous l'emprise de son centre neurologique de la motivation: le striatum.
Le striatum ventral, structure du cerveau que l'on savait impliquée dans le mouvement volontaire, vient de révéler un de ses nouveaux secrets : il se trouve être le centre de la motivation. Il s'active davantage lorsqu'on mêle activité physique et effort mental. Les résultats d'une activité (physique ou mentale) dépendent en partie des efforts que l'on y consacre, pouvant être motivés par une récompense. Par exemple, le sportif est susceptible de s'entraîner plus intensément si le résultat lui apporte un prestige social ou monétaire. Il en va de même pour l'étudiant qui prépare ses examens dans l'objectif de réussir sa carrière professionnelle. « Le striatum ventral pourrait commuter les connexions en fonction de la demande, c'est-à-dire amplifier l'activité neuronale dans le noyau caudé pour une opération cognitive et dans le putamen pour une action physique » explique Mathias Pessiglione.
Il y a 200 000 ans, depuis l'Afrique, l'humanité partait à la
conquête du monde. Elle détenait une arme secrète : son cerveau. Une machine à
penser, à tirer parti de son environnement, à se reproduire et à dominer.
Longtemps notre meilleur allié, notre cerveau risque aujourd'hui de causer
notre perte. Car il existe un défaut de conception, un véritable bug, au coeur
de cet organe extraordinaire : les neurones en charge d'assurer notre survie ne
sont jamais rassasiés et réclament toujours plus de nourriture, de sexe et de
pouvoir. Ainsi, nous sommes 8 milliards d'êtres humains sur Terre à rechercher
encore et toujours la croissance dans tous les domaines. Pour ce faire, notre
espèce hyper-consommatrice surexploite la planète, modifie son écosystème... et
se met gravement en péril. Comment se fait-il que, ayant conscience de ce
danger, nous ne parvenions pas à réagir ? Peut-on résoudre ce bug et redevenir
maîtres de notre destin ? Oui, à condition d'analyser en chacun de nous et non
plus seulement à l'échelon économique et politique ce mécanisme infernal qui
pousse notre cerveau à en demander toujours plus. Savoir
pourquoi notre striatum est incapable de se modérer est une question
fondamentale dont vont dépendre certains des grands enjeux de nos sociétés et
de notre planète. Car si environ 35 % du trafic Internet est consacré à des
visionnages de vidéos pornographiques, cela signifie rien de moins que l’impact
de l’appétit sexuel de nos striatums sur la planète Terre est de 150 millions
de tonnes de dioxyde de carbone émises dans l’atmosphère chaque année, soit
entre un cinquième et un tiers des émissions de gaz à effet de serre dues au
trafic aérien. Selon certains analystes comme Anders Andrae, de l’université de
Göteborg en Suède, les technologies de la communication pourraient représenter
plus de la moitié de la consommation globale d’électricité à l’échelle de la
planète en 2030. Sans le savoir, nous sommes comme les rats de James Olds et
Peter Milner dans une cage munie d’un levier que nous pouvons actionner sans
fin, sans réfléchir au fait que ce geste quotidien prépare une montée des océans
qui engloutira des millions d’habitations dans les années à venir.
Notre striatum, " ce nain ivre de pouvoir, de sexe, de nourriture,
de paresse et d'égo" ne semble pas en mesure d'être muselé par notre
cortex, notamment la partie qui gère, modère et planifie nos tentations. Se
priver provoque souvent d'ailleurs un effet rebond comme l'atteste les régimes
minceurs. Il faudrait oser une autre stratégie à travers la méditation en
pleine conscience par exemple qui permet d'être présent à ce que nous faisons,
ce qui stimule la production de dopamine, un plaisir obtenu différemment, un autre moyen de
solliciter notre striatum. On peut aussi le stimuler avec le plaisir lié à une
valorisation sociale...
Rien n'est simple ou facile toutefois car: 1. Le JE pose la question de l'assujettissement comme soumission ou comme libération. Thème qui va se poursuivre à travers la question de l'individuation via le singulier, le régulier, le remarquable ou l'ordinaire, des forces interpersonnelles ou déterministes qui débordent le moi. Avec la globalisation, il n'y a plus de vrai et de faux mais beaucoup de débordements pulsionnels, culturels et sociaux. La religion ne fait plus sens, la science n'est plus synonyme de progrès, la politique est décriée; le recours à la raison devient alors irrationnel ou paradoxale; l'individu ne peut plus fonder ses valeurs propres dans l'autonomie en hétéronomie avec les pressions sociétales. Tout s'effectue pour une bonne part à l'insu du sujet (volonté involontaire), dans le refus d'assujettissement et la volonté d'être. Le sujet advient dans la négation de ce qu'il est. Il lui faut rompre avec une partie de ce que l'histoire fait de lui pour se lancer dans le désir de faire société qui s'exprimera en affirmation de soi ou en inhibition.
2. Le sujet individuel et collectif peut être créateur et destructeur de vie. La tension entre le moi et l'idéal du moi peut conduire à la dépression. L'idéologie de la réalisation de soi-même renvoie à l'obligation de se faire une place, de réussir, ce qui charge cette tension. Quand elle s'emballe, le sujet peut, n'étant pas reconnu par ceux qui représentent le pouvoir, la notabilité ou la considération vouloir les détruire. Le sujet ne pouvant se réaliser du côté de l'Eros cherche une issue du côté du Thanatos, dans le refus d'être rien ou moindre et le désir de puissance.
3. Pour y échapper, le sujet a besoin de reconnaissance juridique, affective, sociale et cognitive (être reconnu dans sa compréhension de soi-même), que ces dimensions soient reconnues par d'autres.
Quand cette reconnaissance manque, il y a danger:
L'affrontement avec le monde et les autres sera aussi confrontation à nos 8 plus grandes peurs: La peur de l'inconnu, du rejet, de se tromper, de l'échec, la peur de
réussir, du changement, de l'engagement.
L'affrontement avec le monde et les autres lié à la biologie de l'attachement définie par Boris Cyrulnik:
Résilience et plus globalement une concilience " c'est-à-dire un état dans lequel on
peut concilier en soi toutes les parties de soi qui nous habitent. Tous ceux que nous avons été
fonctionnent alors ensemble, harmonieusement… de concert. D’ailleurs après un
choc on dira qu’on est déconcerté,
explosé, dispersé, cassé, brisé…Dans ce cas de l’intégration, il s’agit d’un flux de vie qui
s’écoule naturellement dans une structure psychique défragmentée. On pourrait dire que la personne a ici
la capacité
de ne pas être éparpillée. Elle a «rassemblé ses esprits» et
constitue un ensemble cohérent et stable (T.Tournebise)."