Quand nous évoquons l'énigme de la violence, certains poncifs reviennent inévitablement: l'homme est un loup pour l'homme, sa violence témoigne de la bête qui sommeille en nous comme si elle émanait d'un héritage génétique identifiable. Pourtant, cette fatalité prétendument biologique est un mythe qui permet de désigner un bouc émissaire ou encore de masquer notre fascination pour ce qui est obtenu de force.
Y
a-t-il des facteurs spécifiquement génétiques qui conduisent les hommes à des
comportements violents, ou ces comportements sont-ils davantage dictés par
notre environnement social, économique et politique ? Les
conditions d'apparition de l'agressivité et de la violence témoignent des multiples dysfonctionnements de
notre société.
Pour François Richer, Chercheur en neuropsychologie, professeur à l’UQAM :
Les circuits d'agressivité défensive du cerveau coordonnent les nombreuses composantes des réactions d'irritation et de colère. Notre visage signale notre mécontentement (sourcils qui froncent, regard qui devient menaçant). Notre corps s'active et se raidit (mâchoire et épaules crispées). Même notre ton de voix et nos réactions signalent qu'une limite de tolérance est en voie d'être franchie et qu'on s'apprête à réagir (ex.: protester, grogner, crier, frapper).
L'irritation et la colère apparaissent tôt dans l'enfance en réponse à certains déclencheurs comme les frustrations (ex.: se faire enlever un jouet, se faire refuser une friandise convoitée) ou les agressions (ex.: se faire pousser). Par apprentissage, ces réactions préprogrammées peuvent se généraliser à une foule de "stresseurs" qui ne sont pas des provocations (ex.: se cogner le pied, un ordinateur qui bloque). Selon nos expériences et nos fragilités, une foule de stimulations peuvent être perçues comme des provocations et déclencher une irritation.
Les atteintes à notre orgueil (ex.: se faire dire qu'on a tort) sont des irritants très efficaces. Le seuil de ces déclencheurs peut varier. Quand notre assurance (confiance en soi) baisse (anxiété, dépression ...), les provocations sociales les plus banales peuvent déclencher de l'irritation (ex.: les blagues provocantes deviennent des insultes). Les hommes sont plus sujets à ce genre d'irritation à cause de leur système de fierté souvent plus sensible.
Les attentes déçues (ex.: un coéquipier qui ne fait pas sa part) ou les désirs frustrés (ex.: la circulation qui ralentit) sont aussi de grandes sources d'irritation. L'impatience est souvent une irritation à propos du déroulement des évènements. Pour les personnes impulsives ou stressées, les délais ou les ralentissements peuvent devenir intolérables. Leurs attentes ou leur sentiment d'urgence sont fréquemment contredits par la lenteur des évènements ou des gens qui les entourent et les ralentissements imposés peuvent facilement être perçus comme une provocation.
L'irritation a besoin d'une cible, une situation ou une personne responsable et à laquelle il faut réagir. Le véritable déclencheur de l'irritation est souvent inconscient ou mineur (fatigue chez l'enfant, déceptions, revers ou obstacles chez l'adulte), mais une fois activée, l'irritation cherche souvent des boucs émissaires (ex.: le prochain qui me contredit, le petit frère, le parent, la conjointe). Parfois, on s'accroche à un sujet de plainte ou de discorde ou on vise un peu au hasard parce qu'identifier une source d'irritation et y réagir réduit notre stress et procure une satisfaction de défoulement. À long terme, la recherche d'irritants peut nous rendre plus exigeants et plus aigris, comme si la vie avait une dette envers nous.
Comme la peur, la colère est alimentée par une boucle qui la maintient ou l'amplifie pendant un certain temps. Les premières réactions procurent une satisfaction, mais elles stimulent aussi les souvenirs de nos irritants passés et l'imagination qui nous suggère de nouvelles raisons d'être irrité. Pour certaines personnes, victimes d'une commotion cérébrale ou souffrant d'un trouble psychologique, la boucle d'irritation peut manquer de freins. Les périodes d'irritabilité (la mauvaise humeur) peuvent être longues et fréquentes. Elles peuvent ruminer pendant plusieurs jours sur un affront ou une frustration. Elles peuvent avoir des envies irrésistibles de se plaindre de tout, de se révolter (tout va mal et les coupables sont nombreux) ou de dire des choses blessantes.
Même si elle provoque plus souvent la défense et le rejet que l'empathie, l'irritabilité est souvent un appel à l'aide, un signe de détresse ou de dépression. C'est une réponse maladroite à des "stresseurs" (ex.: conflits au bureau ventilés à la maison, inquiétudes d'enfants exprimées par une mauvaise humeur). La détresse entraine une fragilité qui peut faire que de nombreux "stresseurs" sont perçus comme des provocations. Les enfants qui ont des comportements oppositionnels (argumenter, défier...) sont souvent irritables, susceptibles aux provocations ou aux atteintes à leur liberté. Les enfants fréquemment irritables sont plus susceptibles de développer des troubles comme l'anxiété et la dépression en vieillissant.
L'irritation réduit l'empathie, elle nous rend hypersensible à la provocation et intolérant au stress. C'est ce qui fait que lors d'une dispute, l'irritation conduit souvent à une spirale d'agressivité (on renchérit pour ne pas céder de terrain). En plus, se sentir attaqué focalise notre attention de façon exagérée sur la réponse à donner pour contrer l'attaque au détriment de notre ouverture d'esprit. Notre conviction d'avoir raison augmente et nous avons tendance à devenir obnubilés par le conflit, ce qui retarde le moment où on remarque qu'il pourrait être dans notre intérêt de redescendre de notre état et de tenter de désamorcer le conflit.
La colère est souvent une réponse à un affront, c'est donc une émotion sociale et morale. Elle est souvent suivie de sentiments comme la honte, les remords ou la culpabilité qui sont les bases de nos codes moraux et de nos notions de justice. La colère est mal vue socialement ce qui favorise son inhibition et son expression plus discrète (pointes verbales, vengeance anonyme...).
L'irritation a des rôles sociaux importants. Elle vise souvent à changer notre environnement pour qu'il devienne moins menaçant ou qu'il se rapproche de nos attentes. Les remontrances et les reproches visent à signaler notre insatisfaction. L'indignation déclenchée par une perception d'injustice ou un choc de valeurs est une irritation en lien avec des attentes morales. La rancune et le ressentiment sont des irritations persistantes qui peuvent être associées au manque de pouvoir de changer notre environnement.
Nos instincts de défense sont contrôlés par des circuits de modulation. Ces circuits se développent avec l'âge et avec nos expériences de socialisation (parents, éducateurs, interactions sociales). Les circuits de modulation sont cependant faciles à perturber. Plusieurs personnes se réveillent irritables (état confusionnel) surtout après une sieste à cause d'un éveil incomplet des circuits qui modulent les réactions de défense. L'inhibition de la colère peut aussi être réduite par l'alcool, ou par le contexte (ex.: environnements hostiles, foule en colère dans une émeute, milieux violents, sentiment d'impunité). L'irritation est aussi facilitée par les "stresseurs" et par les stimulants (ex.: caféine, cocaïne, amphétamines). Elle est réduite par les médicaments qui diminuent la dopamine et l'adrénaline disponibles dans le cerveau.
La colère peut rendre aveugle. Elle modifie notre état de conscience et peut nous rendre insensibles à plusieurs de nos freins sociaux et moraux habituels. On en dit trop, on va trop loin et on peut le regretter après. Dans leurs crises d'irritation, certains blâment les autres de façon exagérée parfois avec une méfiance paranoïaque et souvent ils ne se rendent pas bien compte de leur exagération.
La colère peut prendre le contrôle du cerveau. Certains enfants (ex.: syndrome de Gilles de la Tourette) font des crises de rage qui sont hors de proportion par rapport aux déclencheurs et qui peuvent difficilement être interrompues.
La colère peut aussi produire une amnésie de l'incident. Les gens qui tuent leurs proches sont souvent dans un état dissocié de la réalité et de leur propre jugement et peuvent soit ne rien enregistrer de l'évènement ou en bloquer le souvenir.
Les personnes qui ont des dysfonctionnements dans les circuits de la colère peuvent montrer des réactions violentes. Une personne qui fait des crises d'épilepsie qui touchent ces circuits peut grogner et frapper son entourage durant ses crises. Une tumeur dans ces circuits peut même parfois entrainer une escalade d'agressivité conduisant à une folie meurtrière (ex: le cas de Charles Whitman).
Certaines personnes montrent au contraire une diminution importante de leurs réactions de défense provoquée par une dépression, une maladie neurodégénérative ou une autre condition. Ces personnes sont plus souvent victimes de fraudes ou encore d'abus physiques ou psychologiques.
Prédire la violence ou évaluer la dangerosité d'une personne est très difficile. Parfois, le comportement passé, l'escalade de la colère ou encore le contenu des obsessions ou des délires (ex.: dans la schizophrénie) permet d'anticiper les actes violents, mais le risque de violence généralement d'un grand nombre de facteurs.
À partir de l’adresse <https://www.huffingtonpost.fr/francois-richer/origine-colere-cerveau_b_8278842.html>
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La violence a donc des origines multiples: nous aborderons le problème posé sous l'angle d'une science de l'existence:
Commençons par quelques apports de la neuroscience:
Selon Antonio Damasio, la violence est la résultante de l'échec de la régulation émotionnelle. Le Dr. David Mete (cf. http://www.frar.asso.fr/IMG/pdf/addictions-violences-neurosciences.pdf) nous livre less schémas suivants:


Tous ces éléments - et bien d'autres encore - peuvent conduite à un état dissociatif. Les épisodes dissociatifs peuvent induire une variation de
l’activité psychologique : la hausse d’un sentiment d’irréalité,
l’accroissement d’un sentiment narcissique, une immersion oniroïde, une mise à
distance du sujet et de ses actes par l’amnésie, une modification des signaux
sensoriels, une altération de l’activité préfrontale et de la régulation des
fonctions exécutives, un phénomène de confusion émotionnelle, une baisse de la
peur et des freins moraux, l’utilisation d’un mode moteur automatique, une
perte du sens de la réalité. Nous pouvons tout aussi bien poser ce constat:

L'agressivité comme la violence sont des modes d'appropriation déguisés, des manières d'obtenir ce qu'on désire par la force, la ruse, le chantage, la manipulation, la séduction, etc. Un consentement à nos pulsions narcissiques, sadiques ou masochistes souvent justifié par le dénigrement de l'autre au nom d'une idéologie, par intérêt ou appât du gain.
Dans la perspective d'une science de l'humain, l'humain ne saurait se contenter de l'inhumain. Il ne saurait être a-moral ! Ni rester dans la rivalité et la course éperdue à la satisfaction des besoins de sécurité, de confort, de pouvoir, de gloire ou de jouissances à tout va. Nous sommes ici mis devant nos responsabilités humaines. Face à l'agressivité ou face à la violence, nous ne pouvons faire l'économie d'une morale capable de nous éloigner de la domination de nos pulsions narcissiques, sadiques ou masochistes. Ce qui vent dire nous soumettre à une force qui freine ces pulsions.
Dans un premier temps, toute
morale sera humaine, donc relative et marquée du sceau de l’effort
volontariste. Pour autant, elle ne sera pas bâtie sur le nihilisme qui fait le
jeu des barbares et des fanatiques de tous bords, qui ne connaissent que la
violence, le mépris, l’égoïsme, la haine, car le contraire de la barbarie,
c’est la civilisation. Une société peut très bien se passer de religion, au
sens de la croyance en un Dieu créateur et personnel, elle pourrait se passer
de sacré ou de surnaturel au sens large, mais elle ne peut se passer ni de
communion ni de fidélité, celle précisément qui combat une sophistique qui
cherche à taire la différence entre mentir, dire la vérité ou se raconter des
histoires.
Notre agressivité comme notre violence ont des racines familiales, sociales, ethniques, culturelles, économiques et politiques. Elles seront fonction de notre condition de femme ou d'homme. De notre volonté à les contrôler...
Il faudra ainsi définir le plus petit dénominateur commun. Le manifeste convivialiste formule les enjeux ainsi:
Au cours de sa très longue
histoire, l’humanité s’est déployée dans un petit coin de l’univers, formant
des groupes organisés de personnes, de communautés, de peuples, d’États entre
lesquels les relations ont souvent été dramatiques. Cette déclaration universelle
reconnaît que la vie est une valeur essentielle qui procède d’une
interdépendance générale entre les personnes, les groupes, les communautés, les
peuples, les États et les composantes de l’environnement naturel. L’aspiration
universelle de chaque être, de chaque peuple, à la liberté et à l’égalité peut
trouver une réponse ressentie comme juste dans la reconnaissance et le respect
par tous de cette interdépendance généralisée. Ce respect exige de pratiquer la
convivialité pour organiser des sociétés bonnes et assurer la paix à l’humanité
au sein de l’univers. Elle ne peut se faire sans l’observation d’un certain
nombre de règles et l’attachement à des convictions qu’énoncent les principes ci-après.
Le seul ordre social légitime universalisable est
celui qui s’inspire d’un principe de commune humanité, de commune socialité,
d’individuation, et d’opposition maîtrisée et créatrice.
Principe de commune
humanité : par-delà les différences
de couleur de peau, de nationalité, de langue, de culture, de religion ou de
richesse, de sexe ou d’orientation sexuelle, il n’y a qu’une seule humanité,
qui doit être respectée en la personne de chacun de ses membres.
Principe de commune
socialité : les êtres humains sont
des êtres sociaux pour qui la plus grande richesse est la richesse de leurs
rapports sociaux.
Principe
d’individuation : dans le respect de
ces deux premiers principes, la politique légitime est celle qui permet à
chacun d’affirmer au mieux son individualité singulière en devenir, en
développant sa puissance d’être et d’agir sans nuire à celle des autres.
Principe d’opposition
maîtrisée et créatrice : parce que
chacun a vocation à manifester son individualité singulière il est naturel que
les humains puissent s’opposer. Mais il ne leur est légitime de le faire
qu’aussi longtemps que cela ne met pas en danger le cadre de commune socialité
qui rend cette rivalité féconde et non destructrice.
Il faudra pour réaliser la venue d'un tel ordre social beaucoup d'efforts et de persuasion...Un apprentissage, une éducation, des offres culturelles permettant l'apprentissage de l'auto-contrôle, des mécanismes de dépistages précoces, etc.
.Globalement toutefois, la question de l'auto-contrôle devient ici spirituelle car elle nous situe entre une éthique de l'utopie et une éthique de la responsabilité, dans l'incitation à sortir des boucles de rétroactions négatives que sont la peur, la tristesse, la colère, la jalousie, la honte, l'envie, la haine, l'angoisse, le ressentiment ou la frustration. Il s'agira de rester dans le désir d'en sortir.Il va falloir reconnaître la nécessité de contrôler nos pulsions agressives et violentes.
Et trouver d'autres issues que l'agressivité ou la violence pour assouvir nos besoins vitaux.
Non pas seulement dans un effort volontariste ou en se positionnant autrement face à ce qui se présente à nous, mais aussi en demandant l'aide d'en-haut. Nous le pouvons par exemple à travers la méditation:
« Voici 5 effets positifs de la méditation sur
l’espérance de vie et le cerveau.
1. La méditation garde l’hippocampe sain et améliore
l’apprentissage et la mémoire.
L’hippocampe est une petite région du cerveau
profondément enfouie sous le cortex. Elle joue un rôle important dans
l’apprentissage, la régulation des émotions et aide à la consolidation de
l’information de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme.
En 2011, des chercheurs de Harvard ont été parmi les
premiers à prouver que seulement huit semaines de pratiques méditatives de
la Pleine Conscience entraîneraient l’augmentation significative de l’épaisseur
de l’hippocampe.
2. La méditation signale à l’amygdale de se détendre et aide à
faire baisser le niveau de stress.
La même équipe de chercheurs de Harvard a aussi
découvert que la méditation attentive diminuait le volume des cellules du
cerveau dans l’amygdale, la partie de notre cerveau responsable de la peur, de
l’anxiété et du stress.
Ces changements correspondent aux données déclarées
par les participants sur leur niveau de stress, ce qui prouve de quelle
façon les changements dans le cerveau sont en corrélation avec la
perception subjective.
3. Influence de la méditation :
elle crée un cortex frontal plus rapide, plus gros et plus en forme,
favorisant l’amélioration de la concentration et de l’attention.
Etant donné que focaliser notre attention
sur un objet (ex: respiration ou mantra) est l’une des pratiques centrales de
la méditation, il n’est pas étonnant que la méditation contribue à améliorer
notre capacité à nous concentrer et à être moins sensibles aux distractions.
L’amélioration de la concentration et de l’attention
est l’un des avantages les mieux étudiés de la méditation.
La façon dont cela se produit est en
réalité assez simple. Lorsque nous concentrons notre esprit, nous
activons le cortex frontal et nous augmentons le flux sanguin vers cette zone.
Si nous faisons cela suffisamment de fois, nous commençons à voir que
l’activité de la circulation sanguine devient plus stable. Cette activité
mène à la croissance de la matière grise (connue sous le nom
Épaississement cortical) observée dans le cerveau des méditants.
4. La méditation augmente la matière grise et allonge les télomères qui
aident à ralentir le vieillissement.
Le cerveau humain diminue de volume et de poids
lorsque nous vieillissons, en revanche, les méditants ont, à plus long
terme, un cerveau en meilleure condition que les non-méditants et un volume
plus grand de matière grise.
La méditation aide également à protéger nos
télomères, les capuchons de protection à la fin de nos chromosomes. Les
télomères sont plus longs lorsque nous sommes jeunes et se raccourcissent
naturellement quand nous vieillissons. Les télomères plus courts sont
associés au stress et à un risque plus élevé à développer de nombreuses
maladies, dont le cancer. Ils dépendent de l’enzyme télomérase qui leur permet
de se reconstruire et de se réparer.
Des chercheurs de l’Université de Californie ont été
les premiers à prouver que les méditants ont une activité de télomérase
significativement plus élevée que les non-méditants. Leurs conclusions ont
depuis été répliquées.
5. La méditation active l’insula,
renforçant ainsi l’empathie et la compassion.
L’empathie est la capacité à comprendre les
sentiments des autres. La compassion est quelque chose de différent – c’est la
préoccupation pour la souffrance d’un autre ou de soi-même.
Une décennie de recherches a montré de façon
constante que la méditation améliorait ces deux qualités à la fois. Ces
avantages sont attribués à une région du cerveau appelée l’insula.
L’insula a un rôle majeur dans la conscience de
soi. Elle nous permet d’être conscient de nos propres réactions émotionnelles,
ainsi que de mieux lire et comprendre celles des autres.
Les méditant montrent une activité accrue de l’insula
et une plus grande épaisseur corticale dans cette région. Des études plus
récentes ont aussi démontré que la méditation augmentait les réponses de
compassion à la souffrance des autres. »Oser aussi l'approche chrétienne:
Pour Gerg Theissen le phénomène Jésus est à situer dans une société éclatée parcourue
par des tensions nées notamment de l’occupation romaine ; il y avait
beaucoup d’agressivité ; tous rêvaient de voir Dieu chasser l’occupant et
rendre à Israël sa splendeur. Un petit groupe de marginaux est apparu sous la
conduite de Jésus ; ils ont fait l’expérience d’une spiritualité
renouvelée en prônant une vision nouvelle de l’amour et de la réconciliation,
tous deux destinés à régénérer la société de l’intérieur. Étaient-ils, au sens
moderne du terme, des pacifistes ? Ou des doux rêveurs, pauvres en
agressivité, insensibles aux problèmes de leur temps ? Les sources
évangéliques démentent cette image d’Épinal. Jésus et ses adeptes ont mis au service
de leur vision nouvelle une critique radicale de la richesse et de l’abus des
biens matériels, du pouvoir du temple, des pharisiens et des prêtres, de
l’exclusion des malades, des pauvres ou encore des tabous religieux. Ainsi, « une grande partie de l'agressivité
était détournée, déplacée et symbolisée. C'est ce traitement de l'agressivité
qui permit alors de créer l'espace nécessaire à la nouvelle vision de l'amour
et de la réconciliation, dont le nouveau commandement de l'amour des ennemis
occupait le centre. Le surgissement de cette vision elle-même reste une énigme,
car on peut retenir la conclusion inverse : les différentes formes du
traitement de l’agressivité présupposaient une absence d'angoisse, une nouvelle
confiance fondamentale dans la réalité, celle qui rayonne de la figure de Jésus
— jusqu'à aujourd'hui.[1] »
C’est
précisément par cette absence d’angoisse et cette nouvelle confiance
fondamentale que nous sommes appelés à transformer le quotidien, et plus
largement le monde. Non pas par la force ou la violence des armes, mais bien
par cette radicalité exigeante et exemplaire. La vision nouvelle de Jésus en
appelle à la conversion des cœurs et des consciences ; la critique y a sa
place ; la contestation aussi. Impossible d’y échapper, car le Maître nous
renvoie toujours à l’absolu en tension avec nos petits accommodements et nos
arrangements mondains. Son invitation à aimer nos ennemis, à ne pas nous
comporter comme eux, amorce un changement de plan du salut divin. Jésus reste
dans la continuité des prophètes qui l’ont précédé ; tout comme eux, il
réclame la paix, la sécurité, la justice, la prospérité pour tous, vécues dans
les relations fraternelles. Il va, par contre, annoncer la solidarité
fondamentale de Dieu avec les plus petits de ses frères : les pauvres, les
malades, les marginaux, les exclus. Le Royaume des cieux est pour eux d’abord.
Cette nouvelle vision de la sollicitude divine va profondément choquer les
bien-pensants et les nantis qui tenteront bien sûr de s’y opposer. Jésus
tiendra bon, il va même monter à l’assaut de Jérusalem avec ses idées
nouvelles ; c’est là que finalement le pouvoir religieux décidera de le
faire taire.
Pour
Jésus, Dieu seul était bon, saint ou juste. Toutefois, cette réalité ne devait
pas conduire les croyants à l’angoisse, à craindre son Jugement, mais à vivre
au contraire dans la confiance et l’espérance. Le prophète de Galilée incarnait
cet idéal en appelant ses frères et sœurs à le suivre et à mettre en pratique
ses nouvelles idées bâties sur le principe fondamental d’une juste relation à
trouver avec toute chose : soi-même, l’autre, Dieu, la nature, le pouvoir,
l’argent, la matérialité, etc. Cette approche était exigeante, portée même à
l’absolu, donc sans possibilité de la limiter ou de la restreindre au moindre
mal comme le fait aujourd’hui la modernité. Elle s’appuyait sur un socle bien
précis que nous pourrions dire ainsi dans des mots d’aujourd’hui :
Personne n'a le droit de vie ou de mort sur autrui, ni
d’utiliser la violence pour dominer, exclure ou exploiter un autre humain par
des moyens économiques, politiques, spirituels, émotionnels ou sexuels, ou
encore de le traiter comme un objet, une chose insignifiante.
La
venue du Royaume des cieux passe par cette acceptation et Jésus fera tout son
possible pour transformer les coutumes et les pratiques de la religion juive de
son temps. Il sera tantôt en conformité avec elle, tantôt en rupture, souvent
enclin à l’innovation. Son agir et ses paroles demeurent toutefois une
provocation bienveillante dont le choc était destiné à réveiller les
consciences.
[1] G.Theissen, Le
christianisme de Jésus, éd. Relais Desclée, 1978, p.145. En Jésus-Christ s'opère un changement important: la mutation du sacré vers la sainteté. Jésus déconstruit la violence dissimulée dans le sacré; il libère et recadre la foi par une force qui freine, à savoir l'amour fraternel, une force à opposer au chaos d'où qu'il vienne. Le sacré n'est plus dans une terre, un peuple, un dieu, un temple, une loi, des rituels de pureté, une alliance, un roi, des prêtres, des rôles sociaux, etc.
Le sacré est uniquement dans ce qui est saint: l'amour fraternel. C'est la lumière capable de contenir la ténèbre à une place raisonnable, la lumière qui nous permet de contrecarrer librement la course éperdue à la satisfaction de nos besoins égocentriques...
L'amour fraternel contient le désir de sortir du mortifère et du chaos. C'est une manière d'être en co-création permanente et en co-responsabilité avec la Source...Une manière précise de sortir de l'esclavage de nos élans narcissiques, sadiques ou masochistes. Désirer vivre en pleine lumière est possible ! Et ce n'est pas utopique ! Nous savons comment nous approcher de cette nécessité vitale, et demander aussi l'aide d'en-haut. L'amour fraternel, comme juste relation à toute chose (Soi, l'autre, le divin, l'argent, la nature, le plaisir, etc.), est le chemin la vérité et la vie, le fondement d'une science de l'existence.